Notre rétrospective Vievinum s’achève avec les blancs. De très loin, les blancs sont la production dominante d’Autriche. Ils sont aussi les vins les plus emblématiques, avec en particulier les grands Riesling et Grüner Veltliner de la Wachau. Pas surprenant que sur Vievinum, ce soit les blancs qui aient dominé les débats en matière quantitative. Quant à la qualité, c’est une autre histoire !
Les millésimes de blanc, par leur élevage, voient leur date de sortie décalée d’un an d’avec les rouges. Cette année, Vievinum proposait donc essentiellement des 2009 mais quelques producteurs ont eu la bonne idée d’apporter des 2008 (en comparaison) et plus rarement des 2007 et 2006. Si 2008 était un bon millésime, classique, 2009 est beaucoup plus problématique. D’Est en Ouest, les conditions ont été de plus en plus mauvaises et les résultats à l’avenant. Quant au sud, en Steiermark et Südsteiermark, la grêle a ruiné une grande partie de la récolte. 2009 est donc, il ne faut pas se voiler la face, une très mauvaise année. Après dégustation à Vievinum, j’ai d’ailleurs considéré que c’était un millésime à ne pas acheter, par défaut, en attendant de regouter un peu plus tard.
En Burgenland et en Carntum, on découvre un 2009 correct à bon. Markowitsch propose par exemple un Grüner Veltliner Alte Rebe 2009 plutôt intéressant et original, noté 77/100. De même Gmeiner ou encore Prieler. Kollwentz, là encore, domine les débats avec ses vins les plus simples (les autres étaient présentés en 2008). Son Chardonnay Leithagebirge (85/100) ou son Sauvignon Blanc Steinmühle (88/100) sont parmi les tous meilleurs blancs 2009 dégustés. Tous millésimes confondus, Schönberger sur Herbst Weiss 2007 et Sauvignon blanc Kräften 2007 tous les deux à 88/100, fait partie des révélations du salon (ses rouges sont aussi intéressants). Mais LE vin qui a fait oublier tous les autres, c’est le Chardonnay Tatschler 2008 de… Kollwentz. Un vin de très haut niveau, que je n’hésiterai pas à présenter face aux grands bourgognes blancs. Un profil aromatique exceptionnel, un élevage irréprochable et une magnifique tension, pour un vin qui devrait se bonifier sur un décennie au minimum et que j’ai gratifié d’un 92/100 plus que mérité ! Je suis rarement à ce point enthousiaste mais ce salon m’a donné quelques occasions de frisson, celle-là en était une.
En remontant un peu au Nord, en Thermenregion, j’ai rencontré un magnifique vin en personne du Zierfandler Grosse Reserve 2007 de Stadlmann, confirmé par la dégustation du 2006 un peu plus tard. C’est un vin avec un peu de sucre résiduel, sur une gamme aromatique peu commune, mêlant le fruit exotique et le végétal. Comme un brin de thym au miel… superbe (92/100).
A l’opposé, au Sud, Walter Skoff réussit un très très beau (ne boudons pas notre plaisir) Sauvignon Blanc Obegg 2008 (90/100) mais je n’adhère pas du tout au Royal de la même année, bien fait mais beaucoup trop boisé à mon goût. Ce vin m’a un peu fait pensé au Chef d’oeuvre inconnu de Balzac (lecture que je vous recommande chaudement). Georgiberg marque encore des points avec sa jolie gamme très bien faite et très bon marché.
En repartant au Nord-Ouest, dans les grands vignobles historiques (Wagram, Traisental, Kremstal, Kamptal et Wachau), les choses se gâtent. Enfin, se gâtent pas tant que ça avec le sommet des sommets, en 2009 ! qui sera Bernhard Ott. Basé en Wagram, le domaine travaille en Biodynamie sur une trentaine d’hectares planté à 95% de Grüner Veltliner. 5 ont été détruit par la grêle et les conditions climatiques de 2009 n’ont pas gâté le reste, impliquant un gros travail à la vigne et un tri rigoureux. Mais même sur ce millésime catastrophique chez certains ténors, Ott sort deux vins EXCEPTIONNELS, des sortes de 1er crus, sélections parcellaires, destinées à la vente au domaine uniquement. Ce sont Der Ott 2009 et Rosenberg 2009, et je les ai notés à 95/100. Rosenberg me semble un peu au dessus de Der Ott, affichant une originalité encore supérieure et une finesse absolue. Ces vins sont monumentaux et doivent faire partie de votre MUST DRINK !
En Kremstal, plutôt spécialisé Riesling, les choses sont encore plutôt bien tenues, avec un magnifique millésime 2009 chez Alois Zimmermann. Pour avoir dégusté une verticale 2003-2009, seuls 2006 (un millésime fabuleux en Kremstal) et 2008, au bénéfice de l’âge, passent devant 2009, qui sera de manière certaine un très bon cru. A&F Proidl, la référence de la région, m’a vraiment emballé par sa production. J’ai notés ces vins aux alentours de 80/100 et pour ne rien gâter, les prix sont raisonnables.
Toujours plus à l’Ouest (et Nord-Ouest), on arrive dans les deux grandes régions historiques que sont le Kamptal et, surtout, la Wachau. Ces deux régions sont partagées entre le Riesling et le Grüner Veltliner et ont pour particularité de produire des vins très concentrés, très denses et de haute maturité. D’habitude, donc, des vins très profonds aromatiquement, complexes et cependant extrêmement élégants du fait de leur belle acidité. Des vins de garde et parmi les meilleurs du monde. Sauf que… sauf que 2009 a été vraiment pourri sur la fin des vendanges. Ce qui s’est apparemment passé est que la pourriture grise s’est développée plus vite que prévu et sans le bénéfice de l’ensoleillement. Les acidités se sont donc effondrées et les jus se sont dilués sous l’action des pluies. Les précurseurs aromatiques et les arômes par extension ont souffert des effets de la pourriture et des maladies, donnant des vins peu expressifs.
Cette analyse n’engage que moi, mais c’est la conclusion logiques de plusieurs remarques que je me suis faites à partir des dégustations et des discussions que j’ai pu avoir. Première chose, les vins les plus simples (vendangés plus tôt, à maturité moins poussées) que sont les Federspiel en Wachau sont les plus réussis. La seconde est que les Riesling sont globalement moins ratés que les Grüner Veltliner et il se trouve que, compte tenu des conditions climatiques, les producteurs ont décidé de rentrer les Riesling plus tôt. Il est donc clair que le problème est venu de conditions de plus en plus mauvaise et du développement de la pourriture grise. Parmi les très grosses déceptions du salon, sur le millésime 2009, Emmerich Knoll dont je n’ai apprécié, c’est un comble, que le Gelber Muskateller Federspiel, Franz Hirzberger, FX Pichler, Alzinger, Brundlmayer, Hirsch… si vous connaissez un peu l’Autriche, on parle là des stars du pays. La palme revient d’ailleurs au dernier qui livre un Grüner Veltliner Kammerner Lamm 2009 rigoureusement imbuvable (faux goût, goût de souris, terre… affreux comme j’en ai rarement dégusté). Qui donc s’en est sorti ?
Rudi Pichler propose une gamme cohérente, propre et agréable. Certes pas à la hauteur de ses 2008 avec lesquels la comparaison est instructive. Cependant, on peut sereinement conserver ces flacons. Un nouveau venu, Veyder-Malberg, qui a pour particularité de ne pas respecter le Codex Wachau et donc n’a pas une gamme habituelle de Federspiel à Smaragd, recherche la fraîcheur et la minéralité plus que la maturité et est donc le premier à vendanger de la vallée, pratiquement deux semaines plus tôt. Le résultat cette année est superbe, des vins tendus à l’avenir certain.
Voilà donc pour notre petit parcours de l’Autriche et de ce très beau salon. Beaucoup d’autres choses auraient mérité d’être signalées mais voilà déjà trois longs billets qu’il ne sera pas évident de digérer. Une dernière remarque : Vievinum est sans doute le plus beau salon que j’ai jamais fait. Le cadre est absolument magnifique. Rien que pour ça, il faut y aller !