Le mois dernier est sorti une révolution dans le domaine de la verrerie. Les Spiegelau Definition ou plutôt devrions-nous dire, les Spiegelau Zalto
Vessière Cristaux (https://www.vessiere-cristaux.fr/) et Ravinet d’Arc ont, en prévision de leur sortie, contacté plusieurs personnes, dont moi, afin que nous puissions donner notre avis sur les verres. Je les en remercie et je vais tâcher de vous donner un avis aussi complet que possible. Cependant, n’ayant eu les verres que quelques semaines entre les mains, je reviendrai dessus plus tard.
Alors, les Définition, qu’est-ce que c’est ?
Le pitch est le suivant : produire de manière mécanique, des verres qui aient toutes les qualités de verres fait main (soufflés à la bouche). Il existe en effet plusieurs différences majeures entre ces deux modes de productions.
Rappel : les avantages relatifs des verres fait main
- Les verres fait main sont beaucoup plus fins que les verres fait à la machine. C’est notamment très sensible au niveau du buvant qui est quasiment imperceptible sur des verres fait à la main. C’est d’ailleurs un des principaux arguments en faveur des verres de ce type, car l’expérience gustative en devient exceptionnelle.
- Les verres fait main sont corrélativement beaucoup plus légers. A forme égale, on divise le poids presque par deux (pour être précis, plutôt autour de 1,8). Les verres Vinum de Riedel pèsent environ 180 à 200g alors que des verres de taille similaire ou même plus grands chez Zalto, Sophienwald ou justement Riedel, pèseront 100 à 130g.
- Les verres fait main sont plus souples, c’est directement lié également au point énoncé en premier. Un verre plus fin est plus souple. Cela contribue au confort d’utilisation.
- Les verres fait main sont souvent plus travaillés en terme esthétique, ce qui est logique puisqu’ils se vendent plus chers. Ce n’est d’ailleurs pas un caractère intrinsèque. On pourrait faire de beaux verres à la machine, cf la série Quatrophil de Stölzle Lausitz ou Pure de Schott Zwiesel.
- Les verres fait main ont un cristal plus clair et plus pur que les faits machines. C’est dû aux process et à la résistance mécanique des matériaux, ainsi qu’aux choix faits relativement aux prix de vente final. Un cristal pur et brillant coûtant plus cher à produire, on ne cherchera pas à atteindre cette qualité pour des verres bon marché.
- La surface des verres fait main étant aussi moins régulière, elle peut apporter de meilleurs résultats en terme d’oxygénation et expression organoleptique du vin.
- Les verres fait main sont beaucoup plus onéreux à produire, demandent plus de main d’œuvre et sont donc limités en termes de volumes. C’est-à-dire qu’ils sont chers et plus rares.
- Enfin, les verres fait main ne sont pas aussi réguliers que les verres fait machine. Ils sont souvent légèrement différents de verre à verre, un peu comme s’ils avaient chacun leur propre identité.
Les différences relèvent donc surtout de l’esthétique, puisque la forme en soi des verres fait main peut tout à fait être reproduite sur un process mécanique. D’ailleurs Italesse produit de nombreux verres en version machine ou main, sur la base d’un design strictement identique. Cependant, pour des raisons qu’on imagine facilement, les meilleurs verres sont souvent fait main. Il est aussi clair qu’un verre très léger et d’une grande finesse de buvant donne aussi de meilleures impressions de dégustation.
Concernant le rendu aromatique, les verres fait main sont meilleurs à forme égale. Toutefois il est difficile de départager l’impact de sensations tactiles (poids, finesse…) de réelles différences organoleptiques. Dans le cas présent, il me semble qu’il y a en effet une légère différence de rendu, un côté plus fin et plus fondu sur le Zalto comparé au Spiegelau. Toutefois, il est difficile de savoir si ça n’est pas lié à des caractères extérieurs comme simplement le lavage du verre…
La promesse de Spiegelau
La promesse de Spiegelau est donc la suivante : non seulement le verre proposera un design optimal mais par ailleurs, ils veulent offrir des verres fait à la machine qui aient toutes les qualités des verres fait main. Cela, tout en conservant le principal atout d’un produit mécanique, à savoir un prix de revient et donc un prix de vente beaucoup plus bas.
J’ai reçu le verre Universel et le verre à Pinot Noir pour test. Je n’ai pas souhaité tester les autres car vu que ces verres sont des copies conformes des Zalto, j’en connais les qualités.
Alors, la promesse est-elle tenue ?
Absolument, totalement, incroyablement. Spiegelau a réussi à produire un verre qui rassemble toutes les qualités d’un verre fait main, mais à la machine. La seule différence notable est que le verre Spiegelau présente une répartition des masses un peu différente. Le verres est plus lourd aux extrémités.
En étant très précis, le verre est un peu plus épais, j’ai mesuré le Zalto au buvant à 0,6mm et le Spiegelau à 0,7mm. La différence est évidente avec un outil et cela explique la répartition des masses différentes. Cette épaisseur est aussi beaucoup plus uniforme.
Le verre sort autour de 17€. Pour référence, un très bon verre mécanique comme le Schott Zwiesel Fine Beaujolais est à 6-7€ et un Vinum Zinfandel de Riedel vers 30€. En verre fait main, Sophienwald se situe vers 35€, Zalto 40€ et Riedel… 80€. On est donc de deux à quatre fois moins cher.
A l’usage, il faut être clair, il est difficile de faire la différence ou de réellement privilégier l’un des deux. La finesse de buvant est similaire à un verre fait main. Le poids est également quasi identique (5-8 grammes de plus que leur équivalent main). On peut toutefois reconnaître le verre à son pied. La jonction entre la jambe du verre et le pied est plus massive, plus étirée, en cône. Alors que la jonction d’un verre fait main est quasiment à angle droit. Et la régularité absolue des verres.
Mais j’ai parlé plusieurs fois d’équivalent Zalto. Qu’est ce que je veux dire par là ?
Spiegelau Definition, le choix parfait… si ça n’était pas une copie.
On parle bien évidemment des verres Zalto. Disons-le clairement : les Spiegelau Definition sont une copie totale des verres Zalto. Pour être exact, le verre Universal est un poil différent du fait de sa régularité absolue. Un verre Zalto peut avoir un calice plus ou moins allongé alors que le Spiegelau est absolument identique à chaque fois. Dans mon cas, le verre Zalto est quelques millimètres plus long. Ça se voit parfaitement verres côte à côte et le Zalto est un peu plus resserré au buvant. Par contre, cette différence est dans les marges de variabilité des Zalto, ce qui conforte dans l’idée de l’identité de design.
Est-ce que ça change quelque chose au rendu ? C’est très dur à dire. Je vais tester ces verres à l’aveugle encore de nombreuses semaines. Il est certain que ces deux verres sont extrêmement proches et la différence n’est pas forcément assez notable pour l’imputer au verre. On retrouve clairement la patte bien particulière des verres Zalto Universal. Et c’est logique puisque le verre est strictement identique au delà du mode de production. Quant au verre à Pinot Noir, là, c’est plus simple, il est parfaitement identique. Différence d’une dizaine de gramme sur la balance et un équilibre un peu différent, donc, un peu moins plaisant pour le Spiegelau.
Ces verres, de toute façon, sont de manière absolument indiscutable le miroir des Zalto Universal, Pinot Noir, Bordeaux et Champagne. Du coup, ils en partagent les qualités superlatives et les défauts. A savoir que le verre à Champagne est médiocre à mon sens, le verre à Bordeaux intéressant mais spécifique à utiliser, l’Universal fantastique et le Pinot Noir proche de la perfection.
La conclusion pour des acheteurs et amateurs comme nous est naturellement que ces verres, l’Universel et le Pinot Noir, sont les meilleurs verres possibles, sur le marché en terme de rapport qualité prix. Il sont relativement bon marché et sont la copie de deux des meilleurs verres du marché, les Zalto.
Polémique en vue ?
C’est là que j’avancerais deux éléments. Le premier c’est la mesquinerie du choix de design. Pour le dire gentiment. Certes, il est compliqué de protéger un design de verre et il existe certainement des copies asiatiques du verre. D’ailleurs les verres iconiques de Spiegelau, les Authentis, ont été clonés de nombreuses fois, notamment par Stölzle Lausitz avec ses Exquisit. C’est donc monnaie courante de copier un design. Mais venant de Spiegelau, c’est-à-dire Riedel, l’inventeur du verre œnologique moderne, on ne peut qu’être surpris du raccourci pris et de cet aveu d’impuissance : Riedel ne saurait plus dessiner de verres et Zalto a trouvé un design supérieur à tous les siens.
D’autre part, Spiegelau enfonce une porte, dont on ne sait pas où cela mènera, ni qui en sera la plus grande victime. Notez bien que Spiegelau, c’est Riedel. Or ce que fait Riedel ici, c’est vous dire que le verre fait main n’apporte aucun avantage sinon des prix plus élevés. Vous n’avez plus aucune raison d’acheter un verre à vin rouge ou un verre à Pinot fait main puisqu’on fait aussi bien à la machine pour la moitié ou le cinquième du prix.
Mais Monsieur Riedel, si je suis prêt à soutenir Zalto malgré tout, en payant mes verres deux fois plus chers… certainement, en tant que client Riedel, je n’irai pas acheter des Sommeliers à 75€. Maintenant, vous nous dites que vous avez la technologie pour faire ces verres à la machine et les vendre 4 fois moins cher. Mais pis encore, que dire des Vinum, Veritas et autres gammes mécaniques de Riedel, vendue à prix d’or. Où est la pertinence de continuer à acheter des Vinum à 30€ pièce quand on a des Definitions, immensément meilleurs et pratiquement deux fois moins cher. Sans doute Riedel va-t-il transposer ce process à toutes ses gammes de verre. On peut se demander alors, pourquoi ne l’ont-ils pas fait tout de suite plutôt que copier Zalto.
Est-ce que chez Riedel, on a été piqué par les résultats du petit Zalto, dont la qualité des verres est reconnue mondialement, en particulier par les professionnels ? Zalto qui a pris le contrepied de Riedel avec une gamme de cinq verres (Blanc, Universel, Bordeaux, Pinot, Champagne) contre la vingtaine de modèles de la gamme Sommeliers…
La mort des verres faits main ?
Je ne sais pas si cette sortie relève du caprice du Prince et même si cela en a un fort arrière-goût, mais ce que j’en pense surtout c’est que Riedel s’est tiré un missile dans le pied. Il montre à ses clients qu’il a la technologie pour faire les mêmes verres que ses Rolls à presque 100€, pour une fraction du prix. Et qu’il peut améliorer (et doit améliorer) la qualité de ses verres mécaniques, qui du coup vont encore plus concurrencer leurs gammes fait main. Alors oui, c’est sans doute l’avenir, mais du coup Monsieur Riedel, pourquoi achèterais-je vos Fatto a Mano (qui ne sont pas fait main donc une belle escroquerie), vos Superleggero ou vos Sommeliers black tie… si vous savez faire des verres parfaits, meilleurs que la plupart des verres mentionné avant, pour un cinquième à un dixième du prix ?
Au-delà de la guerre commerciale, je pense que la première victime de cette révolution de cristal sera Riedel lui-même. Puis la question se posera de l’entièreté du savoir faire manuel dans la verrerie. Désormais, il ne reste plus grand chose à défendre puisque les dernières barrières sont tombées.
Conclusion : Riedel reconnaît la supériorité de Zalto
Les deux seules choses que je peux en conclure, c’est d’une part que Riedel lui-même reconnaît la supériorité du design des Zaltos, qu’ils ne peuvent que copier tant il est réussi. Et d’autre part Riedel reconnaît aussi l’impasse purement marketing de la différenciation effrénée de ses gammes en dizaines de modèles. On pouvait d’ailleurs se demander quelle était la logique d’un verre à Syrah, à Tempranillo, à Zinfandel, à Sauvignon, à Chardonnay… etc… quand on connaît les différences interne entre les expressions de la Syrah, qui demandent parfois des verres à Pinot et parfois des verres à Zinfandel…
En attendant, il est clair que ces verres sont de fascinantes pièces qui font l’histoire de la verrerie oenologique. Vous pourrez vous procurer en tant que particulier chez Vessière Cristaux https://www.vessiere-cristaux.fr/tag-produit/collection-definition-spiegelau/ et en tant que professionnel, chez Ravinet d’Arc. Mais gardez bien à l’esprit que ce que fait Riedel ici n’est ni plus ni moins qu’une contrefaçon. Et c’est quand même pour le moins choquant, venant du leader de la verrerie en Europe et dans le monde.