Il est des dégustations dont on se souvient, parce qu’elles sont des moments forts, avec les vins et au delà. Cette verticale du Mas Cal Demoura est de celles-ci.
Une verticale de l’Infidèle, le vin qui a fait l’histoire du domaine, sur 10 ans et 6 millésimes. Nous avons eu l’immense plaisir de visiter L’Infidèle 2008, 2007, 2006, 2003, 2000 et 1998 (qui à cette époque, elle ne s’appelait pas encore l’Infidèle).
Rappelons que la main a été passée en 2004 après un 2003 réalisé en étroite coopération mais qui porte encore nettement la marque de son créateur. Le changement de style est flagrant sur 2006 et suivant. Les vins ont tous été ouvert deux heures avant, goûtés et rebouchés, sauf 2006 qui a été carafé. Les vins ont été dégustés par ordre décroissant de millésime dans des verres fortissimo Schott-Zwiesel.
1- L’Infidèle 2008 : 89/100 ; 5 +
Présente une légère réduction à l’ouverture. La Syrah est dominante dans ce vin. Le nez est immédiatement poivré, épicé. Puis déroule le fruit, riche, expressif quoiqu’un peu agressif (jeunesse). En bouche, le vin est épais, vineux. Les fruits sont noirs, tapissent. Il y a une richesse presque de tarte aux myrtilles en bouche. La finale est longue, fraiche, multicolore. Un vin jeune, qui demande à trouver un équilibre (un an), complet, dense. Magnifique. Un Grand vin.
2- L’Infidèle 2007 : 92/100 ; 5 +
Après 2008, la marche va être haute, même si 2007 m’a déjà impressionné plusieurs fois. 2007 est un millésime frais en Languedoc et un grand millésime. 2008 était superbe et 2007… est encore supérieur. Tout est plus dans ce vin. Les arômes, la structure, l’équilibre, la finesse, la qualité des tannins. La bouche est dense, profonde, architecturale. Les épices disputent les fruits dans un crescendo aromatique. La longueur, elle aussi, est magnifique. Moins puissant que 2008, moins jeune aussi, 2007 me semble plus porté par la Grenache et le Mourvèdre mais au delà de toute analyse, c’est juste un vin magnifique que je n’ose même pas imaginer dans 5 ans… Exceptionnel ! Par rapport à la dernière dégustation de ce vin, cette bouteille est un cran au dessus.
3- L’Infidèle 2006 : 82/100 ; 10 ++
Après les deux immenses vins, déjà accessibles que sont 2007 et 2008, le discret mais solide 2006 joue dans une tonalité totalement différente. Le nez est très discret, retenu mais construit. La bouche est portée par une structure tannique impeccable, beaucoup plus présente que sur 2007 et 2008 et élève un fruit très dense, compact, un peu refermé sur lui même mais terriblement attachant. 2006 a été un millésime d’été chaud, avec des peaux épaisses, des maturités décalées. Ce vin est tellement ça : comme un raisin caché sous sa peau, dure, impénétrable. A l’heure actuelle, ce vin s’exprime moins que les autres, dans un registre de basse plutôt que de ténor trimphant, mais sa structure en font un excellent compagnon de table et je n’hésite pas une seconde à parier sur son avenir. Deviendra-t-il plus grand que ses cadets… à voir ! Rendez-vous dans 5 ans.
4- L’Infidèle 2003 : 80/100 ; 0 0
Je ne pense pas qu’il faille attendre plus longtemps cette bouteille. D’emblée, je peux aussi dire que si vous êtes un amateur de l’ancien style de la maison, ce vin vous ravira et mériterait alors quelques points de plus. Nous trouvons immédiatement au nez des notes d’évolution et la robe tire déjà sur la brique. Cuir, fourrure, le vin est très animal au nez, avec un peu de fruit en arrière plan. La bouche laisse parler la puissance mais bien fondue. Le fruit est encore bien présent et le vin est d’un très bel équilibre. Moins fin que les trois précédents, c’est une bouteille à maturité.
5- L’Infidèle 2000 : 75/100 ; 0 –
A l’ouverture, impossible de ne pas remarquer une coulure importante, le bouchon est intégralement taché. Un vin vraiment très évolué, fortement marqué par le registre animal et tertiaire. Il est nettement en retrait par rapport aux autres, mais reste plaisant, dans son style un peu extrême. En bouche, tout est très rond, les tannins sont insensibles et une petite amertume vient juste un peu gâcher la finale. L’effet de la coulure n’est pas clair au départ, même si l’évolution marquée du vin y semble liée. La surprise (logique) vient deux jours plus tard : ce vin n’a absolument pas bougé… bénéfice d’une oxydation lente ? 🙂
6- L’Infidèle 1998 : 94/100 ; 0 0
Indiscutablement, ce vin est à son apogée et cette bouteille est parfaite. Couleur un brin plus évoluée que 2003. Au nez, les arômes tertiaires sont nobles et ne dominent pas le fruit, très doux, très patiné. La bouche est déliée, douée d’une magnifique fraîcheur, de tanins splendides et d’un fruit frais très élégant. Là encore le tertiaire, sous-bois, humus, cuir léger, vient soutenir, épicer l’ensemble plutôt qu’il ne s’impose. Ordre et beauté : tout est à sa juste place pour une harmonie idéale. Très grande bouteille, magique. Si toutes sont à ce niveau là, c’est un vin qui supportera encore 5 années sans perdre de son éclat.
Ce fut un grandiose voyage dans le temps, où les millésimes nous ont parlé, où l’on sentait le vent dans les vignes et le soleil sur la peau des raisins. Tous ces vins étaient admirables à part un 2000 un peu en deçà. Le changement de style en 2004 est absolument évident et même si 1998 l’emporte au bout du compte par sa maturité, il est indiscutable que le style plus élégant, plus délicat de Vincent Goumard l’emporte par l’universalité et le plaisir immense qu’il procure.
A la fin de cette journée, nous ne pouvions que nous retrouver dans les mots suivants : « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ! »