Et voici venu le temps de nous rendre chez François Cotat pour découvrir le nouveau millésime, 2016, et probablement quelques petites perles plus anciennes. Nous rencontrons donc le millésime 2016, miraculé du gel (Sancerre a été très légèrement touché alors que la Loire a payé un lourd tribut). Son seul défaut est que les Monts Damnés ont souffert et livrent des rendements en baisse. A noter aussi que François ne souhaitant pas mixer ses cuves et recherchant 13% minimun dans chaque fût, a légèrement chaptalisé certain d’entre eux. Attention Spoilers : comme il le fait pratiquement chaque année. Il serait d’ailleurs intéressant de rappeler ici que la chaptalisation n’est pas en soi quelque chose de mauvais, même si je pense qu’on peut désormais s’en passer. Il existe, et François Cotat en est un exemple, des domaines qui la maîtrise parfaitement.
On engage la dégustation par les habituelles Caillottes.
Sancerre Caillottes 2016 : Poivré. Frais. Aromatique. Beaucoup de finesse et légèrement végétal en fin de nez. Arrière plan exotique qui devrait être très intéressant une fois que le vin sera bien en place. C’est un très beau nez, d’une jolie complexité. Bouche équilibrée, exotique et fraîche avec cette touche végétale sympathique. Minéralité assez évidente en finale. C’est vraiment sympathique à boire et facile. Pour moi la matière est déjà intéressante et ça goûte pas mal du tout pour un vin de cet âge. La fluidité est typique de cette cuvée, on a un vin complexe, excellent et assez fin en terme de structure, beaucoup plus fin que les cuvées suivantes. Il reste cependant excellent, avec un profil moins puissant. 87/100
Sancerre Monts Damnés 2016 : Ce vin est nettement plus fermé. La matière au nez est intéressante et soutenue. Légère végétalité en arrière plan. Bouche assez ronde, sur le fruit rouge type groseille. Tension tout le long du palais jusqu’à une longueur decrescendo sur le poivre blanc. Ce qui impressionne, c’est la matière de ce vin, il est pour le moment assez dur à déguster et mutique aromatiquement. Très bien mais évidemment difficile d’y trouver du plaisir en l’état, d’où une note un peu sévère 78/100, par contre, le potentiel est certain et très important.
Sancerre Grande Côte 2016 : un vin beaucoup plus évident au nez (sans aucun doute lié aux 4g/l de SR, qui ont toujours tendance à détendre les vins très retenus ou capables d’une longue garde). La trame principale est exotique avec une touche étonnante truffée, déjà. La bouche est superbe, épicée. Longueur intéressante et riche, presque tannique en finale. C’est une très belle bouteille, qui pourrait presque se boire maintenant, moyennant aération idoine. On sent clairement que les vignes commencent à être en place, la jeunesse frustre laisse place à plus d’harmonie et de concentration. Encore 2-3 ans et la Grande Côte retrouvera sa place indiscutable au sommet. 88/100
Sancerre Culs de Beaujeu 2016 : Au nez, on découvre déjà la truffe, mandarine, miel et toute une panoplie de fruits acidulés et sucrés plus ou moins exotiques. Une bouche étonnamment droite, qui livre là-aussi des notes exotiques avec une basse continue variétale du plus bel effet. Ce vin a naturellement besoin de temps, mais c’est réellement superbe. La puissance contenue et la complexité aromatique en font un futur grand vin. Cette année encore, cette cuvée s’impose comme la meilleure et la plus concentrée de la gamme, bien que de manière moins flagrante que l’an dernier ou que sur 2014. 88/100
La dégustation continue et on passe au « bizarre »…
Sancerre Rosé 2016 : Très vineux, il est dans la lignée de 2015 et 2014. Fruit frais, groseille, fraise. Joli et facile. Je dois dire ne pas être un grand amateur de rosé mais c’en est un fort bel exemple septentrional. Pas destiné particulièrement à l’été du fait de sa structure légère, plutôt un vin comme autrefois, de tous les midis. 75/100
A l’aveugle ensuite…
Au nez : fumé, truffé, poivre, agrumes. Bouche truffée avec des fruits rouges et une finale assez explosive sur la groseille et le cassis. Matière en bouche très belle mais aromatique un peu « simple ». J’entends par là que ça n’est pas immense en bouche. C’est 85-90. J’annonce Grande Côte et je pars sur 2004 car si le vin est très plaisant, je ne trouve pas pour autant que ce soit un vin issu d’une grande année (manque de complexité, matière bonne mais assez légère). C’est 2000… Grande Côte 2000. Pas un grand millésime en effet mais meilleur que 2004.
On enchaîne avec
Sancerre Pinot Noir 2015 : Grenadine, fumé, fruits rouges frais au nez. Bouche ronde, fruit plus mûr. Belle longueur sur la cerise poivrée. J’y peux rien, j’aime beaucoup ! Assez voire complètement atypique pour un Pinot Noir, mais moins que d’autres millésimes antérieurs. 85/100
Une dernière pour la route, à l’aveugle également.
Il nous dit que c’est peut-être un peu éventé mais après avoir goûté annonce que la bouche est toujours suffisamment en place ; on va donc goûter ça pour finir. Le nez livre un note de cuir qui montre clairement la fatigue de l’ouverture mais elle n’est pas rédhibitoire et elle s’estompe. On a donc de l’exotique puissant, une touche fumée et des fruits rouges étonnants comme la fraise des bois. Le bouche reprend et y ajoute l’abricot sec, la pêche… c’est superbe bien qu’assez détonnant, pour ne pas dire étonnant. 90- mais sans doute 95 si c’était ouvert du jour. Bon, pour moi, c’est clair, j’ai déjà goûté donc je suis sûr que c’est son vin de 1990 pas mis en vente. Et en effet, c’est un 1990 d’une parcelle grêlée dont ils avaient ramassé les raisins très mûrs et le verjus (qui a apporté l’acidité), les analyses sont incomplètes mais le vin était à 17 de potentiel. Comme quoi, rien n’est jamais perdu 😉
Et pour vraiment en finir, à nous de l’étonner. Un vigneron nous a donné une bouteille à ouvrir et on s’est dit, pourquoi pas ici ?
Willi Schaefer, Graacher Domprobst Riesling Kabinett 2016. Je ne commenterais pas la bouteille ici puisque ça n’est pas l’objet de cet article, mais je rapporterai les remarques de François Cotat, de manière très inexacte et approximative. Il est à l’aveugle mais évidemment, on ne rate pas le sucre. Comme on a parlé d’Allemagne, il remet vite ce que ça peut être. Le premier commentaire n’est pas négatif mais pas non plus positif. Selon lui, ça manque d’alcool, « ça tient pas en bouche », dit-il. Et en un sens, c’est vrai. Par contre, je ne suis pas d’accord sur le fait qu’il n’y ait pas de longueur aromatique. La structure repose sur le sucre et l’acide au lieu de l’alcool mais elle est bien là. Cependant, surtout sur ce vin jeune qui fait vraiment jus de fruit, je vois tout à fait ce qui lui fait dire cela. Là, il nous ajoute que c’est pour ça qu’il chaptalise souvent parce pour son goût, il faut au moins 13%. On s’attarde un peu… et puis le palais se faisant et le verre se vidant à une vitesse respectable, c’est-à-dire extremmement vite, le verdict tombe. C’est quand même pas mal et ce style très différent déroute. Mais il est clair que le sucre ne marque pas au niveau où il est réellement présent et ça se boit follement bien.
On ne l’aura peut-être pas 100% convaincu sur cette dégustation mais en tout cas, l’impression globale est bonne.
Ce fut une bien belle visite, comme d’habitude. Beaucoup de franchise, des vins comme à leur habitude, un peu frustres mais plein de promesses et une démarche assez décalée par rapport aux modes. 2016, en synthèse, semble une vraie réussite, avec des vins très équilibrés, plutôt secs et avec un alcool très mesuré. Sans doute une bonne pioche dans quelques années, certainement moins en puissance que 2015. J’ajouterai qu’il se hisse dans le top 3 des millésimes post 2010. Derrière assurément 2012 mais pas loin ou à égalité avec 2015. Il faudra suivre cela dans les années à venir. Coups de coeur pour Caillottes et Culs de Beaujeu.