Côte Rôtie 2006 by Jamet (France, Rhône septentrional)

La suite du billet sur Graillot arrive donc… assez vite, en fait. Je ne sais pas ménager le suspense 🙂

Côte Rôtie 2006 by Domaine Jamet

Aux alentours de la dégustation Graillot, j’ai donc eu la joie de partager une bouteille de cette Côte Rôte 2006 du domaine Jamet. C’était, une fois n’est pas coutume, au détour d’une carte des vins assez dépouillée mais très qualitative, que j’ai découvert ce flacon. Après avoir jeté un oeil (façon de parler) dans le verre, on note un vin certes déjà accessible mais tendu, comme noué et il semble clair qu’il gagnera à un séjour rapide en carafe. Sur un millésime aussi récent et avec une grosse demie-heure de marge avant le plat principal, ça devrait l’aider à s’ouvrir, surtout par l’apport d’oxygène lors du transvasement dans le décanteur.

Une quarantaine de minutes plus tard, timing tenu, nous nous replongeons dans le vin. C’est tout simplement grandiose. C’est un livre qu’on explore, de longues pages aromatiques se succèdent et s’entassent. Côté équilibre, c’est parfait et incroyable étant donné la densité du breuvage. Ah là là, rien qu’au souvenir, je m’emballe…

Vous devinez la couleur, rouge profond, grenat avec des reflets pourpres sur le disque. Le nez est éclatant et profond, peut-être encore un peu fermé. Il est frappant de constater la structure de ce dernier. Prenez un vin simple, le nez est comme une feuille de papier, vous soufflez dessus, elle s’envole ; ou une plume qui vous chatouille : unidimensionnel en tout cas. Ici, le nez se construit comme un temple ou comme un château. Des fondations, des colonnes, de l’élévation, une charpente. Un monument se dévoile sous votre nez. Aucun vide, aucune faille, ce sont des pierres qui s’emboîtent solidement. Mais délicatement aussi, précieusement, douillettement. Paradoxe que la puissance de ce vin et son velouté. Des arômes ? Tellement… surtout du fruit rouge, du poivre, des herbes aromatiques… les arômes, peu importe en fait quand on plonge dans ces délices.

A la mise en bouche, je retiens mon souffle mais pas longtemps car elle est plus expressive encore. Au contraire du nez qui est encore un brin en dedans, bougon, la bouche est soyeuse et chantante, un baryton. Je retrouve cette densité, cette profondeur architecturale du vin. Et cette épaisseur, ce mouvement symphonique des parfums se construit à mesure que le vin parcourt le palais. Il s’étire en finale, jouissif, généreux.

Assurément c’est très très grand, magnifique, et promis à un avenir – proche ! – radieux. Sans doute deux petites années suffiront à en ouvrir plus largement les portes. Faudra-t-il l’attendre vingt ou trente ans pour en prendre toute la mesure, ainsi que la tradition nous enseigne à propos des Côtes Rôties…? j’avoue que j’en doute, surtout au su de mon palais qui s’accommode mieux des arômes de jeunesse que des humus et sous-bois tertiaires. En tout cas, je suis convaincu que le plaisir sera au rendez-vous, superlatif, de 2012 à 2021, au minimum (entre 6 et 15 ans, donc). Si vous êtes amateurs de plus vieux, la matière est de toute façon là, donc n’ayez crainte !

Alors pourquoi avoir « teasé » sur le Graillot ? Vous souvenez-vous des pages du livre que j’évoquais ? Le Crozes-Hermitage de Graillot me donnait l’impression d’être une chapitre du livre que dépliait le Jamet. Comme si dans le jus de la Côte Rôtie, se serait trouvé comprimée la matière de 5 Crozes-Hermitage (analogie erronée mais parlante). Certes, ces vins sont totalement différents et, en son genre, le Graillot est excellent. Mais c’est une expression de la Syrah tellement plus dense, plus profonde et plus émouvante que je ne peux que constater la supériorité du Jamet.

Et maintenant, ce que vous cherchez peut-être avidement (ou pas), ma note : 94/100 ; 5 ++

La Côte Rôtie du Domaine Jamet est un vin de très grande classe, déjà accessible et élégant.  Ses caractéristiques les plus claires sont sa profondeur et sa complexité. C’est un vin qui ne peut pas laisser indifférent. Prêt à consommer rapidement, il s’affinera sans doute encore quelques années. Quant à l’accompagnement, il n’aura pas peur de grand chose et sa souplesse, malgré sa matière, autoriseront des accords assez larges allant des viandes blanches en sauce un peu relevée aux viandes rouges et même certains gibiers.

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