Grand Tasting 2011 : la Totale ou presque ! (Champagne, Languedoc-Roussillon)

Deuxième partie de ce compte-rendu avec la Champagne et le Sud.

Comme chaque année, voilà une constante, la Champagne est le grand pôle de mon attention dégustatrice. La raison principale en est la qualité des vins présentés ainsi que la rareté des occasions de trouver autant de grands vins rassemblés.

.

CHAMPAGNE

.

Je suis toujours un peu réservé sur la Champagne par rapport à ses tarifs particulièrement élevés. Il y a souvent un facteur frustration non négligeable mais si l’on décide de faire abstraction de l’aspect pécunaire, le Grand Tasting a réservé de belles bouteilles. La première chose que je ferai est de saluer la politique commerciale de maisons de Champagne, qui présente l’intégralité de leur gamme (ou presque pour Bollinger, qui n’ai pas sorti de RD) avec un service irréprochable, des personnes disponibles et souriantes… ce qui n’est pas le cas partout. Que le marché intérieur représente encore 50% de leurs ventes y est peut-être pour quelque chose. En tout cas, il semble logique que lorsque l’on fait un déplacement promotionnel de ce genre, on se donne les moyens de bien le faire. Je reprendrai à ce titre le contre-exemple d’Angélus, un stand indigent, absolument pas décoré, blanc-box d’hopital : une erreur de communication grossière.

Côté millésimes, j’ai pu goûter des 1995, 1999, 2000, 2002, 2003, 2004, 2005 et 2007. Globalement de bons millésimes avec un petit bémol sur 1999 qui ne tient pas vraiment la route comme il le devrait. 2002 est superbe mais c’est un millésime qui goûte encore très jeune, il ira loin.

  • Agrapart et Fils

Rien à dire, leur gamme est superbe et très consistante. Ces champagne sont plus ou moins minéral suivant le terroir : Terroirs étant peut-être plus conforme à ce que l’on attend d’un champagne (plus gras, plus rond, plus beurré). J’ai noté de manière quasi égale les trois millésimés : Minéral 2005, Avizoise 2005 et Vénus 2005, tous trois des champagnes encore très jeunes sont indiscutablement à attendre. Terroirs et Avizoise sont des champagnes plus ronds (sol les plus argileux) et Minéral et Vénus plus minéraux, plus droits. Pour ma part, j’ai trouvé Expérience 2007 encore nettement supérieur mais c’est un vin déroutant qui ne plaît pas de manière unanime. Objectivement c’est celui qui a la plus belle palette aromatique et la structure la plus solide. A goûter !

  • Ayala

Je ne retiendrai de cette maison que Perle Nature 2002 : un très grand millésimé. Beaucoup de pureté. L’intérêt majeur de ce stand est que Ayala proposait une dégustation extrêmement pédagogique en offrant trois champagnes (Brut Majeur, Rosé Majeur et Perle d’Ayala) dans leurs version dosées puis non dosées. Et il est indiscutable que le dosage nuit à la précision du vin, s’il est blanc. C’est beaucoup moins évident dans le cas du Rosé, qui en devient astringent.

  • Bollinger

Indéniablement la gamme la plus régulière et ébouriffante. On pourra reprocher au Spécial Cuvée un tarif un peu élevé par rapport à la concurrence (notamment Agrapart, qui propose aussi bien ou mieux pour moins cher). La Grande Année 2002 est par contre tout à fait au niveau des cuvées prestige d’ailleurs et elle est magnifique. Ample et acérée à la fois, comme taillée dans la roche. Elle aura besoin d’un peu de temps pour s’exprimer plus pleinement. La Grande Année 2004 Rosé est quant à elle un des meilleurs vins que j’ai dégusté. Cette bouteille permet de comprendre ce qu’est l’intensité ou la densité d’un vin par opposition à puissance. Le vin est infiniment aérien et en même temps immensément aromatique : une impression de dégustation unique. Réellement grandiose.

  • Charles Heidsieck

Il fait quasi jeu égal avec Bollinger. Un BSA magnifique, plus riche, plus gras, avec du fruit aussi. Très beau et avec une bonne finale. Il est un peu moins élégant que le Spécial Cuvée dans sa structure. Le Rosé BSA est à ne pas rater. Il ne goûte pas réellement comme un rosé, sa couleur est d’ailleurs très légère. On y retrouve un peu de fruit rouge et du pamplemousse mais c’est très « blanc » dans l’esprit. Encore un rosé qui me plaît alors que je ne comprends pas toujours l’intérêt (autre que marketing) de cette couleur ! Le Millésimé 2000 est aussi un très beau vin, riche et mûr. Blancs des Millénaires 1995 m’a en revanche laissé sur ma faim. Je soupçonne le fait de l’avoir carafé d’en être responsable : carafe implique perte d’effervescence accrue et cette dernière signifie une baisse de 40 à 50% du potentiel aromatique. Est-ce que l’ouverture apportée par l’oxygénation a compensé ? Pas dans ce cas, mais le champagne ne présentait toutefois aucune trace d’oxydation. Sans doute encore… trop jeune !

  • Drappier

Passage rapide sur le stand pour découvrir deux excellents Millésimé Exception 2004 et Grande Sendrée 2004. Et comme d’habitude, je passe sur Carte d’Or 1995, moyen (mais pas mauvais) et le Brut Rosé Nature quand même joli mais discutable.

  • Françoise Bedel

Ceci était une première car s’il y a longtemps que je veux goûter ses Champagne, je suis toujours passé à côté des occasions. Le style général est plutôt sur le gras et grillé mais avec une distinctive touche de miel. La cuvée entrée de gamme Origin’elle est peut-être une des plus solide que j’ai goûté. Superbe et toute en harmonie. Toutefois les deux vins les plus remarquables sont L’Âme de la Terre 2003 et Comme Autrefois. Toutes deux présentent des matières et des finales magnifiques. De très grands champagne.

  • Penet-Chardonnet

Je note une maison proposant des Champagnes caractérisés par un long séjour sur lie. Le résultat est excellent, notamment sur la Grande Réserve Brut Nature. J’ai trouvé ces champagnes à la fois floraux et évolués. A découvrir, assurément.

  • Pol Roger

Comme d’habitude, la gamme est homogène, crémeuse. Outre le très solide BSA Brut Réserve, Le Blanc de Blanc 2000 est superbe en ce moment avec un supplément de tout par rapport au « simple » Millésimé 2000.

  • Les autres

J’hésite à mentionner Jacquesson dont encore une fois les vins ne m’ont pas absolument convaincu. Le 735 est assurément très bon et supérieur au 734, mais les millésimés, en particulier leur nouvelle cuvée parcellaire m’a laissé de glace. A revoir, donc. Henriot était aussi très régulier sur ses BSA. En somme un bon cru sur les champagnes dont très peu m’ont réellement déçu (Winston Churchill 1999 de Pol Roger est l’un d’eux).

.

LANGUEDOC

.

Sans l’ombre d’un doute, c’est ici et dans son voisin le Roussillon que les meilleurs vins étaient présentés. C’est d’autant plus remarquable que sauf rares exceptions, ces vins sont restés accessibles malgré une dizaine d’année de leadership ignoré (;)) en matière d’innovation, de renouveau et de plaisir.

  • Terrasses du Larzac

Le stand du syndicat d’appellation était une innovation brillante, que j’ai décrite dans un précédent billet. Il a été décidé par ce syndicat (mis en avant dans l’avant-dernier B+D, si je ne me trompe pas) de venir au Grand Tasting collectivement et de présenter les 7 vins les mieux notés par B+D. Pas de jaloux donc et c’est malgré tout le moyen de mettre en avant ce qui se fait de mieux, ou presque. Au bout du compte, Mas Julien, Les Vignes Oubliées (avec Olivier Julien), Mas Cal Demoura, Domaine de Montcalmès, Mas des Brousses, Mas Conscience et Domaine du Pas de l’Escalette. Que du beau monde, pour un des stands les plus excitants du salon. Chaque vin était en effet extraordinaire, bien que certains ne se soit présentés sous un jour un peu fermé. Mas Julien 2008, entre doucement dans sa phase de fermeture. Il est un peu réduit mais fait montre de beaucoup de fraîcheur et de fruit. Les Vignes Oubliées 2010, naturellement encore un peu tendues et réduites sont un vin jouissif. Juteux, avec une sucrosité de toute beauté, c’est élégant et vraiment généreux. Mas Cal Demoura, Combariolles 2009, Vincent Goumard pense que c’est son plus grand vin produit et je dois avouer que je suis d’accord (2007 était déjà sublime… c’est dire le niveau). Actuellement dominé par la Syrah (poivre, épices), on y trouve aussi une pointe de cacao et beaucoup de fruit bien mûr. La texture en bouche est magnifique avec une conduite de la bouche parfaite. C’est également un peu fermé mais rien de plus logique pour ce vin, destiné à vieillir en cave plusieurs années. Domaine de Montcalmès 2009, second 2009 et la preuve que ce terroir a su donner des vins avec une bonne fraîcheur dans ce millésime pourtant historiquement chaud (2009 a été plus chaud que 2003 par exemple, tout au long du cycle mais sans la canicule extrême et les blocages qu’elle a pu entraîner). Très Rhône au nez, il se révèle très riche en bouche et extrêmement plaisant. Finale un peu en retrait. Pas de l’Escalette, les Clapas 2009, là encore un peu de réduction et de fermeture, surtout au nez. En bouche le vin est concentré et explosif. Mas Conscience l’As 2008, épicé, dense mais très fermé. Un grand à attendre. Mas des Brousses, Mataro 2008, ce vin est déjà monumental. Presque uniquement fait de Mourvèdre, il délivre au nez comme en bouche, puissance et complexité.

  • CIVL

La particularité du Languedoc donc cette année était d’être représenté collectivement, ce qui est une merveilleuse idée. Le CIVL présentait les vins par appellation, avec une sélection de 8 à 10 vins. Absolument incontournable pour comprendre les différences entre terroir. Je ne vais pas faire le détail des vins mais vous donnerai les noms qui m’ont marqué. En AOC Languedoc, très haut niveau, en particulier sur les terroirs isolés comme La Clape, Grès de Montpellier… Mas de Soleilla, Pech Redon (l’Epervier), Les Grandes Costes, Mas de Martin, Domaine de Aurelles et un très rigolo Domaine Henry (mais un peu exagéré sur la mûre;)).  Château Sainte-Eulalie en Minervois était très joli mais le seul que je retiendrai. Les Malpères étaient très décevants !

.

ROUSSILLON

.

Nous continuons dans la lancée du Languedoc. Là aussi une sélection hélas limitée.

  • Le Clos des Fées

Comme je le disais auparavant, il s’agit là du premier millésime qui me convainc. J’avais jusqu’à présent été dérouté par les élevages trop présents et les extractions un peu poussées. Toutefois, si les vins n’étaient pas de mon goût personnel, j’ai toujours trouvé ce domaine hautement qualitatif. Seule la cuvée phare me semble plus un (brillant) produit marketing qu’autre chose, car si elle ne me plaît pas du point de vue personnel, je ne lui vois pas non plus de qualités objectives qui lui permettrait d’être autre chose qu’un bon vin (par opposition au vin exceptionnel qu’elle devrait être). En tout cas, ces millésimes 2009/2010 sont incontournables. Le Vieilles Vignes rouge 2009 est déjà très concentrée et d’un équilibre impeccable mais le Clos des Fées 2009 est un ciel au dessus ! Il y a tout dans ce vin : la puissance, la concentration, la générosité, le fruit, la complexité, la longueur et surtout l’équilibre. Idéal ! Toujours en rouge, Images Dérisoires 2010 est plus qu’un simple exercice de style : il montre que les Espagnols ne savent pas toujours vinifier leur Tempranillo (trop souvent limité à de l’acidité et de la groseille en plus du bois excessif pour cacher l’absence de fonds). Affaire de rendements et de pratiques culturales ? Vous aurez compris que c’est magnifique. Le blanc Vieilles Vignes 2010 m’a semblé fermé. La bouche est belle et l’équilibre très bon. A voir dans l’avenir. Quant à la Petite Sibérie 2009 à l’heure actuelle ce vin est pétri de défauts (de toute façon, pour ce type de bombe, il faut du temps), trop extrait, trop d’alcool et finalement un longueur qui ne suit pas. Je dirais que c’est too much, poussé trop loin, trop extrême et finalement pas très bon mais tout le monde veut goûter ce vin… alors pari gagné :). Peu d’intérêt par rapport au Clos des Fées.

  • Domaine de Vénus

Les années passent et je trouve toujours ce domaine extrêmement intéressant, avec des vins très bien positionnés. La cuvée phare reste indéniablement L’Effrontée 2009, millésime qui lui sied à merveille. Aucun doute sur le fait qu’il s’agit de la meilleure Effrontée dégustée (2005 -> 2009). Le Maury Péché 2010 est également exceptionnel avec un magnifique abricot en bouche. Et pour ne rien gâcher, c’est un excellent rapport qualité prix dans ses Côtes du Roussillon !!

Post Your Thoughts