Grand Tasting 2011 : la Totale ou presque ! (Alsace, Bordeaux, Bourgogne)

Commençons donc cet article, que je tâcherai de rendre le plus lisible et accessible possible, par rappeler combien cette édition fut meilleure que l’an dernier. Au long de cet article, je reprendrai les meilleurs exposants, par région, et vous indiquerai quel style et quel niveau qualitatif vous pourrez espérer sur les millésimes actuels.

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ALSACE

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Il y avait relativement peu d’exposant en Alsace mais le niveau moyen était élevé. J’en retiendrai deux en particulier :

  • Agathe Bursin : 

Agathe est charmante et ses vins lui ressemble beaucoup. Les vins qui sont traités très naturellement, sans forcer les fermentations par exemple, présentent souvent des sucres résiduels. Un style donc rarement sec. Les acidités sont bonnes mais douces. LE vin que je retiendrai de ce salon est son Sylvaner Eminence 2010, qui est réellement extraordinaire. Le Riesling Grand Cru Zinnkoepflé 2010  est quant à lui un joli vin doté d’une bonne structure, il est beaucoup mieux équilibré que le 2009. La Vendange Tardive sur le Riesling du Zinnkoepflé 2009 est de bon niveau mais manque d’expression aromatique. La Sélection de Grain Noble Gewurztraminer Zinnkoepflé lui est supérieure par l’équilibre et les arômes. Je suis beaucoup plus dubitatif sur le Gewurztraminer Grand Cru Zinnkoepflé 2010 qui présent des faux goûts et un équilibre déplaisant, de même que l’As de B 2010 dont je n’ai pas du tout apprécié la dissociation et le milieu de palais complètement vide.

Agathe Bursin fait de très bons vins, notamment sur le Riesling et le Sylvaner, dans un style très soyeux. A noter aussi son excellent Pinot Noir, non présenté cette année. On retiendra un beau millésime 2010, sur lequel il n’y a pas de risque à parier. D’un point de vue purement personnel, je n’aime que peu ce type de vin. Si je reconnais au dessus les qualités du Riesling Grand Cru et de la SGN, ce sont malgré tout des vins qui me laissent indifférent. Par contre, le Sylvaner Eminence 2010 est une véritable merveille.

  • Marcel Deiss :
Voilà bien un domaine qu’il n’est plus nécessaire de présenter. Leur organisation sur le salon est exemplaire quoiqu’un peu rigide :). Il ne faut pas s’aviser de vouloir juste jeter un oeil sur un vin en passant ! Très bonne présentation des vins qui sont souvent évidents… mais pas toujours. Dans mon cas, la magie Deiss opère une fois sur deux (une fois sur quatre cette fois-ci), mais ce n’est déjà pas mal. Les vins de ce domaine sont caractérisés par la pratique de la complantation, c’est-à-dire la culture et la récolte de parcelles comptant tous les cépages autorisés, mélangés. Le risque de ce type de vin, comme dans l’As de B mentionné plus tôt, c’est d’aboutir à des vins déséquilibrés où un cépage l’emporte ou déséquilibre le vin (ce qui est sans doute lié aux cépages en question, le Gewurztraminer étant difficile dans ces conditions). Chez Marcel Deiss, ça n’est jamais le cas. Les vins sont des exemples d’harmonie et d’équilibre. Cette année un vin était au dessus des autres : le Engelgarten 2008.  Sublime ! Il en dit que c’est le meilleur millésime jamais fait sur ce terroir et je veux bien le croire. C’est un vin d’équilibre, au toucher de bouche sec (mais il y a du residuel) et très pur. La trame aromatique est complexe et marie bien les différents composants avec un nez très intriguant de galet chaud. Incontournable ! L’autre grand mais trop refermé en ce moment, c’est bien entendu l’Altenberg de Bergheim 2007. Il est toutefois encore un grand pas derrière son aîné de 2005 (que je vois mal rattraper).
Marcel Deiss fait des vins excellents mais assez cher, qui donnent une autre vue sur l’Alsace, plus axée terroir et très originale. Ses vins ont sensiblement plus de corps qu’habituellement pour la région. Les structure sont solides, les vins gras et puissants où le sucre souvent « très » élevé est toujours bien intégré. Autant je n’aime pas les vins d’Agathe (pourtant eux aussi dans cette mouvance non sec), autant j’aime souvent beaucoup les vins de Deiss… avec le bémol du prix. A noter que son site internet est très bien fait : ici.
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BORDEAUX
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Le Grand Tasting est toujours pour moi l’occasion de fréquenter ces vins que je ne bois ou déguste que rarement. La sélection du GT, quoique frustrante par bien des aspects, permet de faire un tour assez complet de la région. Je dis frustrante pour plusieurs raison. D’abord, les très grands domaines sont présent uniquement en Master Class, à l’exception de deux ou trois chaque année (jamais les mêmes) Palmer, Cos d’Estournel l’an dernier, Pichon Longueville-Comtesse de Lalande et Angélus cette année. Certain font le déplacement systématiquement et on peut le saluer : Figeac et Domaine de Chevalier, par exemple. Ensuite, rares sont ceux qui présentent plusieurs millésimes. Souvent il s’agit du premier et du deuxième vin (ce dernier étant souvent d’un niveau vraiment faible, rien à voir avec les gammes qu’on peut trouver ailleurs, issues de différents terroir… dommage). Mais surtout, les millésimes sont rarement de bons millésimes. Cette année, de rares domaine dégusté présentaient 2009 : le Domaine de Chevalier et Château Valandraud. La plupart ont même ressorti 2007 ! Le millésime certes le moins cher en ce moment, mais raté à bien des endroits. Je vous parlais de Figeac, présentant 2003, 2004 et 2006 (belle initative) mais qui sont parmi les plus petits millésimes de la décennie (seul 2002 est pire). Pourquoi ne pas avoir présenté 2008 ou 2009, quand même plus d’actualité ? Je ne parle même pas d’Angélus, qui se moquait réellement du monde avec un 2007 immonde et un 2006 quelconque. De là à penser qu’il y a un mépris du Français incapable de s’offrir ce type de vin, il n’y a qu’un pas que je franchirai 🙂 C’est, je pense, une grossière erreur cependant que de ne pas entretenir le rêve autour de leurs vins. Tout le contraire de la stratégie des maison de Champagne, pourtant un pas si mauvais exemple ! Finalement, au contraire des autres régions, les vins sont souvent présentés par des commerciaux, ces derniers étant d’une franche mauvaise foi quand il décrivent leurs vins. Evidemment, il y a des exceptions remarquable comme Jean-Luc Thunevin. Mais à l’opposé, un stand dénommé « Pape Clément » sur lequel n’étaient présentés (certes très bien) que des seconds couteaux (certes très bon) et pas du tout Pape Clément est clairement malhonnête. Alors, que garderons-nous du GT pour Bordeaux ?
  • Domaine de Chevalier
Un des stands les plus intéressants du salon. Sur la table : Domaine de Chevalier rouge 2009 et 1999 ainsi que blanc 2009. Tous étaient magnifiques. Les deux 2009 présentaient particulièrement une structure et une définition impressionnantes, des futurs très grands. Le Rouge 2009, plus appréciable par le bouche (texture) que par le nez, fermé aromatiquement livrait en bouche un beau fruit et des tannins très gras sur une magnifique longueur… le Blanc 2009 m’a encore plus impressionné, ce qui est logique, avec un profil exotique, une grande subtilité et un gras tendu en bouche grandiose. La finale était parfaite, fraîche, parfumée et longue… ces vins valent leur prix ! Quant au Rouge 1999, sur un millésime rarement présenté comme le sommet du domaine, il était absolument fabuleux, largement supérieur au 2009 ce jour-là. Je l’ai déjà décrit un peu hier : tout est fondu, en place. C’est la plénitude.
  • Château Brane-Cantenac
Irrégulier dans les quatre vins présentés, je n’en retiendrai qu’un, le Brane-Cantenac 2006. Une merveille de texture avec beaucoup de fonds. Un vin construit, très très bien. Le reste était en dessous. Les 2007 sont quelconques et ne valent pas de s’y arrêter.
  • Château Valandraud
Là encore de beaux vins, bien que Valandraud 2009 soit nettement fermé. Quelle grand vin ! Puissant et aérien en même temps, une des grandes bouteilles du salon, certes pas donnée ;). Le Blanc Valandraud n°1 2009 n’était pas en reste quoique je lui trouvai un tout petit manque de fraîcheur. Je connaissais peu Valandraud et je vais m’y intéresser de près désormais.
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BOURGOGNE
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Un peu triste que la sélection Bourgogne. Les grands négoces sont là : Bouchard-Fèvre (non dégustés cette année), Bichot… La grande coopérative La Chablisienne également mais de trop rares indépendants. Seul le notable Trapet a fait le déplacement. Je ne dise pas que les vins n’étaient pas au niveau mais si les icônes d’une région ne sont pas présentes, l’impact n’est pas le même. Je n’ai pas axé cette année mes dégustations dans ce sens et n’aurai donc que peu de choses à vous dire.
  • Trapet Père et Fils
Un domaine, quoi qu’on dise de sa politique tarifaire ;), exceptionnel. M Trapet faisait déguster deux vins : le Gevrey-Chambertin 2008 ainsi que le Chambertin 2008. Le premier est superbe, très cerise noire, il a une bouche encore un peu « verte » qui demandera une poignée d’année pour se fondre. Quelle superbe intensité ! Quant au Chambertin, clairement au dessus pour des raisons de matière, il était difficile à déguster, surtout pour des palais jeunes (d’expérience). Pourtant, tout y est supérieur et malgré sa couleur translucide, il possède une énorme structure. Le nez est dense, très dense, bien que peu expressif (un peu comme la crypte d’une cathédrale qu’on observerait dans la pénombre). La bouche présente un grain très fin mais serré. C’est austère, c’est fidèle à son terroir et ce sera superbe. Les vins du domaine Trapet en Alsace présentés goûtaient mal mais par expérience, ce sont des vins qui vieillissent très bien.
  • Autres
Mentionnons aussi le domaine Seguin-Manuel, que je ne connaissais pas et qui présentait des vins très bien faits. Son Savigny-lès-Beaune Les Goudelettes 2009 est un superbe rapport qualité-prix. Un domaine que je tâcherai aussi de suivre. Albert Bichot proposait notamment la Moutonne 2009 en dégustation. Bonne « Moutonne », il manque de typicité du fait de son côté solaire. De même c’est un vin qui devrait quand même bien évolué sur quelques années… mais peut-être pas à encaver pour 20 ans ! Le Corton-Charlemagne 2008 Domaine du Pavillon lui était un brin supérieur.

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