Grand Tasting 2010 : les grandes incompréhensions

Sur un salon, il est toujours important de prendre en compte que l’on déguste forcément plus mal qu’ailleurs : même verre pour tous les vins (même si on peut facilement le laver, ce que je fais immanquablement un stand sur deux ou trois), ouverture des vins aléatoire, température pas toujours idéale, bousculade, concentration difficile… A fortiori quand les impressions sont mauvaises, il faut toujours regoûter à tête reposée. Cependant, cela n’interdit pas de s’interroger voire même de constituer des doutes sérieux sur un vin, d’abord parce qu’on peut le goûter plusieurs fois sur le salon et ensuite parce qu’on peut avoir l’habitude de ces événements.

Prenons donc les choses par le menu.

Cas numéro 1, les vins fermés :

Jacky Blot et les vins de la Taille aux Loups (Montlouis sur Loire) : Je note car c’était flagrant, la gamme 2009 blanc n’avait rien à dire sinon une belle acidité. La mise en bouteille datait d’un mois et ceci explique cela. Je pense que les vins sont plutôt réussis mais il faudra regoûter dans quelques mois. Ma question, à quoi cela sert-il de présenter ce type de vin à un public souvent non initié ?

Dans une certaine mesure William Fèvre présentait aussi des vins fermés, en particulier les Preuses 2007, mais ils étaient quand même un peu plus accessibles.

Paul Jaboulet Aîné les Crozes-Hermitages étaient très fermentaires et chimiques, les Hermitages très fermés… ou très… pas au niveau.

Cas numéro 2, les paradoxes :

Le Clos des Fées, ces vins m’ont vraiment interrogés. Plus je dégustais et plus j’aimais tout en aimant de moins en moins. Comme une lassitude envahissait mon palais ou le sentiment d’un vin qui me ment… j’ai beaucoup de mal à me prononcer. Est-ce que ce sont des vins juste très extraits et très élevés ou des futurs grands encore rustres ? J’aurais vraiment aimé pouvoir goûter une Vieille Vigne ou un Clos dans un millésime plus ancien, plutôt que la Petite Sibérie, qui pour moi est à un exercice de style mâtiné d’outil marketing (réussi de ce point de vue), que j’ai beaucoup de mal à apprécier. Attention, je n’ai pas dit que c’était mauvais, mais je trouve que ça cherche à en mettre plein la vue (le palais) sans réellement avoir la subtilité nécessaire au bout du verre. En revanche, je tiens à saluer la générosité, le grand dévouement et tout simplement la gentillesse de M Bizeuil, qui nous a fait déguster de nombreux millésimes de la Petite Sibérie. C’est un geste, en plus d’être coûteux, extrêmement risqué. Les Bordelais pourraient s’en inspirer, eux qui nous présentent souvent des vins moyens, sur des millésimes récents, et qu’il faudrait croire sur parole quand ils mettent leurs défauts sur le compte de la jeunesse, systématiquement.

Luciano Sandrone, là encore étrange impression mais pas dans le même sens. J’oscille entre des vins que je n’ai pas compris, des vins fermés et un style qui ne me convient pas. Vu ce que j’ai déjà goûté chez lui, j’hésite à le mettre dans la catégorie précédente ou suivante. Je le laisse donc entre deux eaux. Assurément, c’est très cher.

Cas numéro 3, les pas au niveau :

Paul Jaboulet Aîné, fermés ou pas, les Hermitage ne sont pas au niveau de leur terroir. Il y a un manque de jus, de structure. J’ai énormément de mal à me projeter dans un futur radieux pour La Chapelle 2007 par exemple.

Chapoutier, oui, c’est mieux mais de même, pour des Hermitage, le résultat est bien simple et les tarifs sont juste indécents.

Renato Ratti, du Barolo, ça ? Fûts trop vieux, vin trop longtemps en barrique. J’ai de même un doute sérieux sur la capacité du jus à s’en remettre. Les arômes tertiaires sont déjà là, de même qu’un boisé très sec.

Cos d’Estournel, en soi, pas mauvais. Quoi ? « PAS MAUVAIS »… pour un vin au sommet de son appellation et à un prix non moins au somment, nous pouvons attendre plus. Alors on me dira que 2007 n’est pas un grand millésime… certes, mais dans ce cas, on aligne quand même le prix et on ne présente pas ça. Sinon, il faut admettre qu’on vend un produit spéculatif mais pas du vin.

Guiraud, problème de bouteille ? Je n’ai jamais goûté un Guiraud aussi fadasse. C’était le 1998, certes pas le millésime du siècle en Sauternes.

Cas numéro 4, les médiocres (défectueux, déviations fortes, mauvais équilibre…) :

La Roche aux Moines (Savennières) : Quand je suis passé, les vins étaient affreux, littéralement infects. Pour moi, ça n’était pas une question de fermeture ou de température. Je regoûterai car j’ai eu suffisamment de bons retours sur ce domaine que je découvrais pour ne pas les enterrer là-dessus.

Kirwan excite les débats, certains arguant qu’il n’a pas le niveau, d’autres vantant le retour en grâce du domaine. Soyons clairs, le second vin est sans intérêt et 2007 est médiocre. C’est le plus mauvais Bordeaux que j’ai goûté sur le salon (donc on dira que ça le place dans les moyens, vu la qualité de la sélection). 2008 est au mieux quelconque. A mes yeux ce sont des vins de seconde zone, pas très en phase avec leur terroir d’ailleurs. Mais je reconnais aussi que comparant l’ensemble des vins (2000, 2006, 2007, 2008), une évolution est en cours au domaine. Gageons que 2009 soit en effet plus intéressant.

Clos Haut Peyraguet, voilà qui confirme mes précédentes dégustations : un vin décharné, sans matière et qui n’a donc rien à dire. Après Climens, la comparaison a été sévère.

Mas Amiel : suite à un récent débat où j’ai trouvé la défense un peu trop agressive pour être honnête, j’ai voulu rejuger sur pièce. Le style est vraiment sur le sucre et les vintage font preuve d’un sérieux manque de profondeur. 2007 comme 2008 sont plutôt simpliste et flatteurs. Ces vins pourront plaire mais il ne sont pas du tout au niveau de l’appellation ni de leur tarif. Franchement, où est l’intérêt de faire un haut de gamme sans personnalité ? Passe encore pour le Vintage mais la cuvée Charles Dupuy, je ne comprends pas. Pour ce domaine, il est clair qu’une autre dégustation s’impose et de préférence à l’aveugle car il est pour moi, à moins d’un changement drastique, quasi enterré.

C’était donc la seconde partie de ce compte rendu sur le Grand Tasting 2010. Je pense qu’avec ça, nous avons fait le tour de la question sur les vins discutables. Pour bientôt, les autres, les bons et les très bons ! Je vous préviens d’avance que vous ne retrouverez pas tout ce que j’ai dégusté et vous conseille donc de ne pas hésiter à m’interroger si certains vins vous intéressent ou si vous souhaiteriez que je précise mes analyses (parfois brutales!).

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