Nom : Saget La Perrière (regroupe : le Domaine Saget, le Domaine de la Perrière, le Domaine Balland-Chapuis, le Domaine des Grandes Espérances, le Château de la Mulonnière et le Domaine Chupin)
Nature : Domaines indépendants et négoce. Propriété familiale (Famille Saget)
Terroirs : Vallée de la Loire, vins produits sur la quasi totalité des AOP et IGT de la région. A l’origine, Pouilly Fumé.
Surface : 360ha + achat.
Aujourd’hui, un focus sur un domaine : Saget La Perrière, en Loire.
Il y a déjà longtemps que j’ai prévu de dédier un billet au travail remarquable effectué par ce domaine. Je trouve que c’est une tâche d’autant plus importante que ce type de maison souffre de préjugés importants en France (grande superficie, domaine et négoce, présent dans tous les canaux de distribution, etc…), alors que la vérité n’est pas ailleurs que dans le verre. Et lors de ma dernière dégustation de leurs vins, j’en ai eu l’exemple parfait… et triste. Avant de juger un domaine, goûtez, mes amis, goûtez et particulièrement à l’aveugle.
La maison Saget va donc à contre courant de tous les préjugés français en matière de vin de qualité, et disons-le d’emblée : ça marche !
Les vins sont superbes, tous parfaitement adaptés à leur marché. Mais il ne faudrait pas comprendre que ce sont des « vins marketing ». Toute la force et la spécificité de la maison Saget et d’être parvenue à faire coexister la logique « domaine indépendant, artisanal » et celle du vin de négoce, régulier et marketé comme il se doit. Comment l’équilibre est-il atteint ? Tout simplement en distinguant de manière claire les différentes activités et en gérant les différentes entités de manière totalement indépendante en ce qui concerne l’élaboration du vin. Le style du Domaine Saget n’est donc pas le même que celui du Domaine des Grandes Espérances, ou du Domaine de la Perrière. Chaque domaine est élaboré par des hommes différents, sous la responsabilité d’un oenologue propre à chaque domaine, sensible à son terroir. Et si l’on cherche un point commun, il se trouvera peut-être dans la recherche de pureté et d’expressivité. En pratique, lorsque l’on déguste chez Saget, chaque domaine a son identité propre et donc bien au contraire d’un domaine de 360ha de vignes, nous avons réellement en face de nous un domaine de 10ha, un autre de 20, etc…
La force de cette structure est donc de tirer pleinement profit de toutes les possibilités offertes à la viticulture française. Par exemple, l’activité de négoce donne naissance à un remarquable Vin de France, La Petite Perrière. Impeccablement positionné, c’est un vin idéal pour les marchés export, le vin dont rêve un importateur : facile, expressif, bon marché et représentatif d’une certaine image du vin de France. C’est un type de vin dont je ne connais, hélas, pas beaucoup d’exemple en France, alors qu’il s’agit exactement de ce qui manque sur le marché pour promouvoir efficacement la France. Mais à l’opposé, le domaine produit des cuvées ciselées, d’une typicité implacable comme le Savennières « L’Effet Papillon » du Château de la Mulonnière ou le Pouilly Fumé du Domaine Saget, qui sont deux vins superbes, apte à un long vieillissement en cave.
Ce domaine donne un bon coup de pied au derrière des préjugés des amateurs et critiques de vins français, pour qui seul vaut le domaine indépendant. Mais rappelez-vous toujours que la plupart des noms bourguignons que vous connaissez sont des négoces (et d’une qualité indiscutable), on pensera à William Fèvre, Louis Jadot ou encore Bouchard Père et Fils. Et n’oubliez pas non plus que les grands Châteaux Bordelais couvrent des superficies très importantes (de l’ordre de la centaine d’hectare) et des terroirs très hétérogènes, beaucoup plus hétérogènes que chaque domaine de la maison Saget pris individuellement. D’ailleurs, il ne faut pas s’y tromper : le Domaine Saget (Pouilly Fumé) et le Domaine des Grandes Espérances (Touraine) sont tous deux présents dans le Guide Bettane et Desseauve ainsi que dans celui de la RVF.
Je ne pourrai pas vous faire une revue de détail, tant les vins sont nombreux, mais je vais balayer assez largement la gamme et vous brosser un portrait de quelques cuvées particulièrement intéressantes.
NB : Je vous rappelle de vérifier mon barème afin d’interpréter mes notes. A partir de 70/100 on entre pour moi dans la catégorie des bons-très bons vins. 80, très bons à excellents et 90+ correspond à des vin exceptionnels. Ma notation ne correspond pas au barème Parker.
LES BLANCS :
La Petite Perrière Sauvignon Blanc : La démarche derrière ce vin est de mettre en lumière le savoir faire du domaine sur les cépages de son berceau d’origine (le Centre), que sont le Sauvignon blanc et le Pinot Noir. La Petite Perrière n’est donc produite que sur cet deux cépages. En l’occurrence il s’agit réaliser une sorte de Sauvignon Blanc idéal, constant dans ses caractéristiques, bon marché et destiné à une consommation rapide. Assembler des vins de diverses origines est une brillante idée car il permet de balancer le trop mûr des Sauvignons du sud (mais souvent très fruités) avec la fraîcheur et les arômes plus végétaux du nord. On obtient, pour le 2011 goûté il y a un an, un vin à la fois exotique et frais avec une touche variétale de bon aloi. Un vin qui n’est pas destiné à la garde, disons-le encore, à consommer dans l’année. Un remarquable rapport qualité prix. Bon vin, à consommer dans l’année, environ 70/100 ; 0 0
Domaine des Grandes Espérances, le Blanc, Touraine 2010 : dégusté en décembre dernier (sauf mention contraire, valable de tous les vins). 100% Sauvignon Blanc. Plus typiquement bourgeon de cassis et buis. Légère touche exotique. La bouche est ronde avec une note acide en finale et un retour discret du végétal en finale. Joli vin, bien dans l’esprit Touraine. A consommer dans les deux prochaines années. 72/100 ; 0 0
Domaine des Grandes Espérances, Roi Soleil 2011 : 100% Sauvignon Blanc. Micro-cuvée (de l’ordre de 1000 à 3000 bouteilles par millésime). Parcelle de vieilles vignes. D’emblée on note un surcroît de maturité et une structure plus grande. Les arômes sont intenses, plus portés sur le fruit. La bouche est vineuse et très minérale. C’est un beau vin mais qui demande encore quelques années pour se mettre en place. 75/100 ; 5 +
Domaine des Grandes Espérances, Aurore 2010 : A mes yeux, la différence de millésime joue à plein. Les 2010 sont plus en place et l’équilibre et plus sur la fraîcheur que sur la maturité. Ici nous retrouvons une cuvée parcellaire, 100% Chenin. Le nez est large, gras, légèrement beurré. La bouche est ronde et pleine mais tendue en même temps. Beaucoup de fruit, mûr. Très beau vin, attendre quelques années. 79/100 ; 5 ++
Domaine Saget, Pouilly-Fumé 2010 : C’est la cuvée de référence du domaine, à noter que sa commercialisation tend à être retardée afin de proposer le vin à un moment où il est déjà en place. 100% Sauvignon Blanc. Note variétale, très élégante, au nez. Puis une impression de largeur avec du fruit mûr et des arômes floraux. Nez complexe. La bouche est d’une grande élégance, pleine, et présente des fruits jaunes avec une touche assez étonnante de groseille. Vin extrêmement élégant, magnifiquement équilibré. C’est une superbe bouteille qui va devenir exceptionnelle dans quelques années mais qui est déjà très accessible. Indiscutablement un Pouilly-Fumé de référence. De surcroît d’un excellent rapport qualité prix ! 86/100 ; 5 ++
Domaine Saget, Roches 2009 : Je lui ai trouvé plus de minéralité et quelque chose de cristallin. La bouche est plus orienté sur le arômes végétaux. Finale sur la fraîcheur. Attendre. 82/100 ; 5 ++
Domaine Saget, Les Sablons 2009 : Un vin tout à fait étonnant sur 100% Chasselas. C’est une rareté désormais car le Chasselas est largement abandonné sur Pouilly-Fumé au bénéfice du Sauvignon Blanc. L’idée derrière ce vin est de faire la démonstration que si le cépage est traité avec attention, il peut produire des vins intéressants. Pour votre information, le Chasselas est beaucoup plus connu soous le nom de Fendant, le célèbre vin suisse. Le nez est grillé, gras avec des fruits comme la mangue et le litchi. Vraiment très intéressant. La bouche est nettement dominée par l’élevage (le pourcentage de bois neuf est beaucoup moins important dans le 2010). Fraîcheur remarquable de l’ensemble alors que c’est souvent la faiblesse du Chasselas. Un vin extrêmement intéressant (premier millésime, je crois), qui devrait donner quelque chose de superbe sur un millésime comme 2010… à suivre. 76/100 ; 5 +
Château de la Mulonnière, L’Effet Papillon, Savennières 2008 : Ce vin, je l’ai dégusté il y a un an, au domaine. Nez d’abricot, de litchi et de fruits secs. Bouche à l’avenant. C’est excellent et très expressif. Un des meilleurs Savennières que j’ai récemment dégustés. A ne pas rater. 89/100 ; 5 +
LES ROUGES :
Domaine des Grandes Espérances, le Rouge, Touraine 2010 : Cocktail détonnant de 60% Gamay, 20% Malbec, 20% Cabernet Franc. Cahier des charges : un vin à boire à deux sans distinction de sexe et en moins d’une heure. Résultat : objectif atteint. Ce vin est facile et jouissif. Très souvent, je trouve le terme « vin de soif » complètement dévoyé, employé pour qualifier des vins de hauts rendements, déséquilibrés, mal mûris, dépourvu de corps et trop acides… mal fichus, en fait. Ce n’est pas le cas ici, voilà un véritable vin de soif, vin de copains. Du fruit, du fruit, du fruit. Au nez et en bouche, aucune sensation de verdeur ou râpeuse. C’est bien fait et ça glisse sur la langue. L’équilibre est très bon. Un vin dangereux 😉 et il va sans dire, un rapport qualité prix imbattable 73/100 ; 0 0
Domaine des Grandes Espérances, Supernova 2009 : 100% Malbec, micro-cuvée. Issus de vieilles vignes, ce vin réalise exactement ce qu’on attend d’un Malbec de Loire – et qu’on ne trouve pratiquement jamais – la puissance, le gras et l’explosion aromatique du Malbec avec la fraîcheur du climat ligérien, qui apporte une texture plus souple, moins alcooleuse que dans le sud. Le nez est poivré, épicé avec un fruit noir bien mûr. Quelques touches florales apportent de la complexité. La bouche est pleine, avec une belle matière et des tannins plaisants. Aromatiquement on retrouve en plus la cerise et le noyau. C’est excellent mais encore jeune. Chapeau ! 82/100 ; 5 + (90/100 ; 5 + mise à jour suite à dégustation du 25 mai 2013)
Domaine des Grandes Espérances, les Ailes Pourpres 2010 : 100% Cabernet Franc. Un OVNI. Son élaboration est déjà une surprise (parlez-en avec Arnaud ou Laurent si vous les rencontrez). Que dire sinon que ce vin est le charme à l’état brut. C’est une grande bouteille, indiscutablement. Le nez est superbe, dense, profond, fruité. Le boisé complètement intégré apporte sa complexité. En bouche c’est à la fois énorme et soyeux : un ange en bouteille. Il peut encore vieillir, il gagnera assurément, mais c’est déjà excellent. Comme dirait un ami « Superb effort! » ; c’est fantastique et j’adore. 90/100 ; 5 +
LA BULLE :
Nous terminerons sur une bulle, je n’en ai goûté qu’un seul au domaine mais il en existe plusieurs. Particulièrement la cuvée Constellation, qu’il me tarde de découvrir. Il s’agit de :
Domaine des Grandes Espérances, Etoile Filante, Touraine Brut (blanc) : Un effervescent « entrée de gamme » qui passe 12 mois sur latte. 70% Chenin, 30% Chardonnay. Beaucoup de fraîcheur dans ce vin. Je lui trouve du fruit rouge (groseille, cerise), de la poire. L’effervescence est un peu rustique mais le vin est juteux avec de la pomme ou encore du litchi en bouche. C’est un vrai plaisir. Festif, jouissif… un leitmotiv sur ces cuvées à boire tous les jours… Le prix est indécent tellement il est raisonnable… plutôt apéritif que gastronomique. Bottoms up! 71/100 ; 0 0
Qu’ajouter en conclusion ? Un (des) domaine(s) que je vous conseille de découvrir. La qualité du travail est irréprochable et les vins nous en donnent toujours pour notre argent et même souvent bien plus. Le Pouilly-Fumé est un vin de référence pour l’appellation et je vous recommande instamment de le découvrir. De toute façon, il faut se rendre à l’évidence : de part la stratégie de domaine, qui consiste à préserver l’identité propre de chaque domaine, de chaque terroir, vous trouverez toujours un vin qui correspond exactement à ce que vous cherchez. Il est aussi remarquable que malgré des millésimes difficiles comme 2011 en Centre ou même 2009 dans une certaine mesure, la qualité est toujours là, les vins réguliers… que demander de plus ? Sans aucun doute de voir plus souvent ce type de domaine sur les tables et dans les guides, qui ont bien du mal, parfois, à admettre qu’on peut faire de grands vins autrement qu’avec 4ha, de la poudre de perlimpinpin et, de préférence, dans le fond de son garage. Le bon vin, c’est avant tout du talent et de la rigueur. Et dans la maison Saget, on en a à revendre.
pas le temps de tout lire mais ça donne envie ^^
Un petit « Dessin : Anne Montel » sous l’image ne serait pas de trop 🙂 En tout cas bravo pour ce beau compte-rendu.
Pas de problème, j’ai demandé à Arnaud Saget avec publication si je pouvais reprendre le dessin. Il ne m’a rien précisé à ce sujet, d’où l’absence de mention 😉
Ah oui, Laurent sait qu’il faut le préciser peut-être pas Arnaud… mais c’est parfait désormais, merci !